Des chercheur.eure.s montrent les conséquences de l'inaction face à une maladie dévastatrice de la banane
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À l'intérieur des cultures des zones productrices de bananes en Afrique de l'Est et du Centre se cache une maladie appelée flétrissement bactérien du bananier (Banana Xanthomonas Wilt - BXW). De nouvelles modélisations réalisées par des chercheur.e.s de l'Alliance de Bioversity International et du CIAT ont montré que, si elle n'est pas contrôlée, cette maladie bactérienne pourrait entraîner une réduction de 55 % de la production de bananes dans les régions nouvellement affectées en l'espace de 10 ans.
Par : Andrew Wight
Selon les statistiques de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Afrique au sud du Sahara (ASS) produit environ 50 millions de tonnes de bananes par an, ce qui représente environ un tiers de la production mondiale et couvre plus de sept millions d'hectares (60 % des surfaces cultivées au niveau mondial).
Le BXW, une maladie causée par la bactérie Xanthomonas vasicola pv. musacearum (Xvm), est la maladie bactérienne la plus répandue en Afrique. Elle a été caractérisée comme l'une des quatre maladies infectieuses émergentes les plus importantes des plantes cultivées dans les pays en développement.

Crédit : Guy Blomme, Province du Sud-Kivu, Est de la République démocratique du Congo.
Dans un nouvel article intitulé « The potential impact of banana Xanthomonas wilt on food systems in Africa: modeling scenarios of policy response and disease control measures » publié dans la revue internationale Frontiers in Sustainable Food Systems, les chercheur.euse.s ont modélisé trois scénarios de propagation du BXW, en se basant sur des hypothèses concernant le niveau de réponse des gouvernements et des agriculteur.trice.s : deux scénarios où les mesures ne sont pas pleinement appliquées (le scénario lent et limité) et un scénario où aucune mesure n'est prise (le scénario zéro).
Les chercheur.eure.s estiment que, dans les 10 prochaines années, si la maladie n'est pas contrôlée et se propage dans toute la région, les dommages économiques dus au BXW devraient atteindre 25 milliards de dollars US, et près de 40 % de ce coût serait supporté par les consommateur.trice.s de la région.
Selon Athanasios Petsakos, économiste agricole à l'Alliance de Bioversity International et au CIAT, et auteur principal de l'article, même une réponse politique limitée peut réduire les infections et atténuer certaines des conséquences en termes de production, d'économie et de sécurité alimentaire de la maladie.
« Si le BXW n'est pas contrôlé, la maladie peut être catastrophique, donc les agriculteur.trice.s devraient s'en inquiéter », déclare-t-il. « Cependant, nous sommes allé.e.s un peu plus loin : nous avons modélisé ce qui se passerait si la maladie se propageait également dans tous les autres pays d'Afrique au sud du Sahara, où elle n'est actuellement pas présente. »
Petsakos explique que si la réaction des gouvernements et des agriculteur.trice.s face à une épidémie est rapide et efficace, les dommages sont « presque nuls ». Malheureusement, une réponse rapide et efficace n'est pas toujours garantie.
Combiner la modélisation et le savoir-faire agricole

Description of the modelling framework used in the paper
« La raison en est que les chocs de production (comme ceux causés par une maladie) ne se manifestent pas seulement en termes de pertes de rendement, mais affectent considérablement les consommateur.trice.s en raison des changements de prix des denrées alimentaires, ainsi que d'autres secteurs de l'économie (bien que non modélisés dans cet article) », explique-t-il, ajoutant que si les chercheur.eure.s ne tiennent pas compte de tous ces éléments, y compris des aspects liés à la sécurité alimentaire, les décideur.euse.s politiques pourraient sous-estimer gravement les impacts de la maladie sur l'ensemble de la société.
« Bien que les campagnes de mobilisation pour sensibiliser et former les agriculteur.trice.s à la gestion de la maladie puissent être coûteuses, les dommages causés aux producteur.trice.s et aux consommateur.trice.s en cas d'inaction sont bien plus élevés, de sorte qu'en réalité, il n'y a pas d'autre option », déclare Petsakos.
Guy Blomme, co-auteur de l'étude et chercheur principal à l'Alliance de Bioversity et du CIAT, explique que lui et son collègue Walter Ocimati ont fourni une expertise sur les méthodes de contrôle du BXW, les modes de propagation de la maladie, l'étendue géographique actuelle, les fronts de la maladie et l'application historique des stratégies de contrôle dans les pays endémiques.
« Le BXW est facile à gérer lorsque les options de contrôle sont rigoureusement appliquées », déclare Blomme, ajoutant que les approches réussies utilisées pour une maladie bactérienne similaire appelée Moko, en Asie et en Amérique latine, ont servi de modèle pour aborder le BXW.
« La stérilisation des outils de jardin, le retrait précoce du bourgeon mâle à l'aide d'un bâton en bois fourchu pour éviter la transmission par les insectes, et l'arrachage des plants malades ont été introduits, par exemple, en Ouganda, et ces approches se sont révélées efficaces pour le BXW ». Une technologie supplémentaire, très efficace, simple à appliquer et peu coûteuse, appelée « Single Diseased Stem Removal » (SDSR), a été développée spécifiquement pour le BXW.
Implications politiques futures
Petsakos explique que la modélisation réalisée par les chercheur.eure.s a montré les conséquences si les mesures nécessaires pour contrôler la maladie ne sont pas pleinement appliquées. Blomme et Petsakos ont tous deux souligné que la modélisation permet aux décideur.euse.s politiques de la région d'adopter ces conclusions pour garantir la maîtrise de la maladie.
« Les graphiques de l'article montrent clairement l'étendue des impacts attendus en fonction des différents scénarios politiques et de formation, et ces informations sont cruciales pour les décideur.euse.s », déclare Blomme. « L'Ouganda et le Rwanda ont été très proactifs dans l'application des stratégies de contrôle, et ces pays sont des exemples parfaits de la manière dont les décideur.euse.s politiques devraient aborder cette contrainte biotique. »
L'équipe

Guy Blomme
Senior Scientist, Biodiversity for Food and Agriculture - Healthy Banana and Enset Production Landscapes
Athanasios Petsakos
Scientist
Elisabetta Gotor
Principal Scientist, Performance, Innovation and Strategic Analysis