Blog Renforcer l'avenir : Évaluation des lacunes en matière de résilience dans les régions kenyanes du Turkana et du Pokot occidental touchées par la sécheresse

Strengthening the Future: Assessing Resilience Gaps in Kenya’s Drought-Hit Turkana and West Pokot - Alliance Bioversity International and CIAT

Des chercheur.e.s de l'Alliance de Bioversity International et du CIAT, en collaboration avec le partenaire national AGNES, ont mené en 2024 une évaluation des besoins dans les comtés de Turkana et West Pokot au Kenya pour comprendre et aborder les vulnérabilités climatiques affectant la sécurité alimentaire et la résilience des communautés.

Par : Tessie Akoko, Pedro Chilambe, Felix Otieno, Chris Miyinzi, Brenda Binge et Dorcas Jalango

La résilience climatique est un pilier essentiel du développement durable, en particulier dans les régions où les communautés dépendent de l'agriculture pluviale et du pastoralisme, comme les comtés de Turkana et de West Pokot au Kenya. La résilience inclut la capacité des communautés, des écosystèmes et des économies à se rétablir de manière rapide et efficace des effets néfastes des chocs liés au climat. En renforçant la résilience climatique, nous protégeons non seulement ces systèmes vulnérables, mais nous posons également les bases d'un développement à long terme en réduisant les risques associés aux futures menaces climatiques. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) souligne que le changement climatique affecte de manière disproportionnée les régions les plus vulnérables, mettant en évidence la nécessité de renforcer la résilience comme stratégie fondamentale pour réduire les risques et assurer la sécurité alimentaire dans ces zones.

Les comtés de Turkana et de West Pokot au Kenya sont particulièrement vulnérables aux défis liés au climat. Ces terres arides et semi-arides (ASAL) subissent des sécheresses récurrentes, des glissements de terrain, des inondations, de l'érosion des ravines, des précipitations irrégulières et des températures extrêmes, affectant gravement les moyens de subsistance des communautés locales. L'agriculture représente une source importante de revenus dans le comté de Turkana, contribuant à plus de 74 % des revenus des ménages et employant plus de 45 % de la population (MoALFC, 2021). Dans le comté de West Pokot, les principales zones de subsistance comprennent l'agriculture mixte, le pastoralisme et l'agro-pastoralisme, avec des proportions de population respectives de 23 %, 44 % et 33 %. Les sécheresses sont plus courantes dans les zones pastorales et agro-pastorales, tandis que les inondations soudaines sont plus fréquentes dans les zones d'agriculture mixte (West Pokot CSG, 2024). La dépendance des communautés à l'égard de l'agriculture pluviale les rend particulièrement vulnérables à la variabilité climatique. Les deux comtés font face à des niveaux élevés de pauvreté et d'insécurité alimentaire, aggravés par la variabilité climatique et un manque d'infrastructures. La dépendance vis-à-vis des ressources naturelles et la fragilité de l'écosystème soulignent l'urgence de renforcer la résilience face aux chocs climatiques dans ces régions.

Pour évaluer la résilience climatique des communautés vulnérables de Turkana et de West Pokot, une équipe de chercheur.e.s de l'Alliance et du groupe de soutien des experts des négociateurs africains (AGNES) a réalisé une évaluation des besoins à travers des enquêtes auprès des ménages, des discussions de groupe (FGDs) et des entretiens avec des informateur.e.s clés (KIIs) afin de collecter des données primaires sur la résilience climatique et la sécurité alimentaire. Plus précisément, l'évaluation visait à :

  • Identifier les vulnérabilités et recueillir les perspectives locales : Comprendre les défis climatiques spécifiques auxquels sont confrontées les communautés locales, y compris les impacts sur la production agricole et animale, en se concentrant sur le rôle des femmes, des jeunes et des peuples autochtones dans les chaînes de valeur locales et les pratiques climato-intelligentes.
  • Informer la conception des interventions : Utiliser ces résultats pour concevoir des interventions adaptées aux défis uniques de Turkana et de West Pokot, afin d'améliorer la résilience climatique et la sécurité alimentaire.
  • Impliquer les parties prenantes et renforcer la participation des communautés locales : Favoriser une approche collaborative impliquant les parties prenantes locales, y compris les peuples autochtones, les femmes et les jeunes, dans la conception d'interventions dirigées par la communauté.

Cette évaluation permettra de mettre en place des actions mieux ciblées et alignées sur les besoins et les contextes locaux pour une résilience renforcée face aux chocs climatiques.

Collecte de données

Pour atteindre ces objectifs, nous avons adopté une approche par méthodes mixtes. L'enquête auprès des ménages a ciblé 800 agriculteur.trice.s dans les deux comtés, permettant à l'équipe de recueillir des données quantitatives sur la démographie des ménages et les pratiques agricoles. Des entretiens avec des informateur.trice.s clés (KIIs) ont été menés auprès de 15 leaders d'opinion dans chaque comté, offrant des perspectives qualitatives sur les problèmes climatiques plus larges et les solutions potentielles. De plus, six discussions de groupe (FGDs) ont été organisées dans chaque comté, avec six participant.e.s par groupe afin d'assurer une représentation diversifiée. Ces discussions ont porté sur la priorisation des chaînes de valeur, les pratiques climato-intelligentes, les services d'information climatique et l'accès aux ressources financières pour faire face aux défis climatiques liés à la production agricole, à la gestion post-récolte et à l'accès aux marchés.

Pour l'enquête auprès des ménages, des enquêteur.trice.s ont été formé.e.s à la collecte de données en utilisant l'outil ODK. Étant locaux, ils.elles ont facilité la communication avec les agriculteur.trice.s dans leur langue maternelle, surmontant ainsi efficacement les barrières de communication. Cette implication locale renforce la confiance et assure une collecte de données précise, reflétant les expériences des communautés.

En fin de compte, nos conclusions contribueront au processus de développement d'une proposition de projet pour le Fonds Vert pour le Climat (GCF), visant à améliorer l'accès à l'information climatique, à promouvoir l'agriculture climato-intelligente, à accroître les investissements communautaires et à améliorer l'accès au marché pour les communautés vulnérables dans ces régions.

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Des photos illustrent la présentation de l'équipe à la communauté, le processus de collecte de données mené par les enquêteurs et une vue d'ensemble des champs.

L'évaluation a permis de dégager les grandes lignes suivantes :

1. Retour des communautés : Les discussions de groupe (FGDs) ont révélé que les membres des communautés accordent une grande importance à l'accès aux technologies de gestion des ressources en eau. Les participant.e.s ont exprimé un vif intérêt pour des programmes de formation visant à améliorer leurs compétences en pratiques agricoles durables et en gestion post-récolte. Cependant, les communautés n'ont pas encore établi de stratégies d'adaptation efficaces pour faire face aux impacts du changement climatique.

2. Perspectives des expert.e.s : Les entretiens avec les agent.e.s locaux de vulgarisation agricole et les spécialistes du climat ont souligné la nécessité de stratégies plus intégrées pour l'adaptation au changement climatique. Les expert.e.s ont noté que bien qu'il existe des politiques visant à renforcer la résilience, leur mise en œuvre est souvent insuffisante en raison du manque de ressources et de la faible collaboration avec d'autres partenaires, collaboration qui est essentielle pour le déploiement efficace de nombreuses technologies et approches.

2. Dynamiques de genre : Dans les comtés de Turkana et de West Pokot, les femmes jouent un rôle crucial dans la culture des récoltes et sont particulièrement touchées par les effets du changement climatique, mais elles sont souvent exclues des processus décisionnels. Dans de nombreux ménages, les femmes sont responsables de la culture des récoltes, de la collecte de l'eau et de la sécurité alimentaire de leur famille. Avec l'aggravation des conditions de sécheresse et la raréfaction des sources d'eau, le temps et l'effort nécessaires pour accomplir ces tâches augmentent, limitant encore plus leur mobilité économique et sociale. En favorisant des initiatives inclusives en matière de genre – telles que la formation des femmes aux pratiques agricoles climato-intelligentes et leur implication dans la gouvernance locale – nous pouvons autonomiser les femmes pour qu'elles deviennent des actrices clés dans la construction de la résilience climatique. De plus, lorsque la production est principalement destinée à des fins commerciales, l'implication des jeunes devient plus marquée.

4. Rôle des savoirs traditionnels : Les connaissances autochtones sont essentielles pour renforcer la résilience des communautés. Les membres de la communauté s'appuient souvent sur des techniques de prévision météorologique traditionnelles utilisant des indicateurs environnementaux. Par exemple, des voyants utilisent les intestins de chèvre pour prédire les conditions météorologiques et d'autres événements importants, tels que les risques de raids. Les membres de la communauté attribuent une grande précision à ces prédictions, qui les aident à prendre des décisions éclairées concernant les périodes de plantation et de récolte. Ces savoirs traditionnels complètent les services modernes d'information climatique, améliorant leur adoption et leur crédibilité aux yeux des communautés locales.

5. Engagement communautaire : Lors de l'élaboration des interventions, l'implication des communautés est cruciale pour créer des solutions adaptées localement et qui favorisent un sentiment de responsabilité et de confiance parmi les membres. La participation active des agent.e.s de vulgarisation agricole pour mobiliser les agriculteur.ice.s a joué un rôle essentiel dans ce processus. L'engagement des membres de la communauté dans la planification et la mise en œuvre renforce la pertinence des initiatives et responsabilise les individus en leur donnant une part dans les résultats. Cette approche collaborative permet d'intégrer les connaissances et perspectives locales, ce qui est essentiel pour renforcer les relations entre les parties prenantes et la communauté.

Appel à l'action

L'évaluation de l'équipe souligne l'urgence d'agir pour renforcer la résilience climatique dans les comtés de Turkana et de West Pokot. Pour aller de l'avant, les étapes suivantes sont essentielles pour assurer le succès :

  • Développer l'Agriculture Intelligente face au Climat : Promouvoir des pratiques agricoles durables pour les cultures et l'élevage, en augmentant la disponibilité de variétés de cultures et de races de bétail résistantes à la sécheresse.
  • Améliorer l'Accès à l'Information Climatique : Fournir des données climatiques en temps opportun et des services de préparation aux risques, intégrés aux savoirs autochtones pour une meilleure adoption.
  • Renforcer l'Accès aux Marchés : Consolider les chaînes de valeur résilientes au climat pour les agriculteur.rice.s locaux.ales, en soutenant les liens commerciaux transnationaux et transfrontaliers de manière à renforcer la cohésion sociale.
  • Augmenter les Investissements Communautaires : Accroître le financement des efforts locaux de résilience et d'adaptation, en renforçant les capacités à prioriser les techniques de gestion des risques efficaces et réussies.

Ces étapes contribueront à construire des communautés résilientes face au climat dans les comtés de Turkana et de West Pokot, garantissant la sécurité alimentaire à long terme et un développement durable.

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