Briser les barrières : un parcours de transformation vers l’égalité de genre
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Grâce aux formations dispensées en collaboration avec des partenaires – notamment l’Union pour l’émancipation de la femme autochtone (UEFA), l’Initiative des femmes pour la promotion de la paix et le développement (IFPPD), ainsi que le projet Beans for Women Empowerment (B4WE) dans l’est de la RDC, financé par Affaires mondiales Canada – Madame Furaha, productrice et mère de quatre enfants, a rompu le cycle d’inégalités et de violences qui affectait depuis longtemps son foyer.
Son époux, Monsieur Bikoto, enseignant et producteur agricole, a progressivement changé de comportement : il a réduit sa consommation d’alcool, assumé des responsabilités domestiques et partagé les revenus. Le couple a amélioré la productivité de ses cultures en adoptant des techniques agricoles améliorées et en mettant en place un budget commun, créant ainsi un environnement familial plus harmonieux. Leur réussite illustre comment la communication pour le changement social et de comportement (CCSC) et la collaboration peuvent transformer des normes patriarcales profondément enracinées.
À l’aube, dans la partie nord de l’île d’Idjwi, dans la province du Sud-Kivu, les mélodies des oiseaux se mêlent au doux rythme des vagues du lac Kivu. C’est dans ce décor paisible que Madame Furaha Matakumba, âgée de 28 ans, cultive avec soin ses champs de haricots, de manioc et de maïs. Mère de quatre enfants, elle est mariée à Monsieur Bikoto Maombi, enseignant dans une école primaire et producteur agricole. Pourtant, derrière la tranquillité apparente de leur quotidien se cache une réalité marquée par des normes patriarcales profondément enracinées, qui ont fait peser, pendant plus d’une décennie, une lourde ombre d’inégalités de genre sur leur mariage.
Dans de nombreuses régions de la République démocratique du Congo (RDC), en particulier dans l’Est, les structures sociales et les traditions culturelles continuent de marginaliser les femmes, restreignant leurs droits et étouffant leurs voix. Les recherches indiquent que, bien que les femmes assurent une part importante des responsabilités agricoles et domestiques, elles sont souvent exclues des processus décisionnels clés. Cette exclusion perpétue non seulement des pratiques néfastes et augmente le risque de violences basées sur le genre, mais elle limite également l’accès des filles à l’éducation et aggrave l’instabilité économique.
Au sein du foyer de Madame Furaha, l’absence de communication et de soutien mutuel illustrait clairement ces difficultés.
Bien qu’il soit respecté localement en tant qu’enseignant et producteur agricole travailleur, Monsieur Bikoto négligeait les besoins de sa famille. Peu à peu, leur relation s’est dégradée, plongeant dans un cycle toxique de négligence et de violences, à la fois psychologiques et physiques.
« Avant la formation, la vie à la maison était extrêmement difficile. Mon mari et moi gérions nos finances séparément, sans discussion ni collaboration. Il ne m’impliquait jamais dans les décisions financières, et j’étais totalement exclue des affaires importantes du foyer. » — Madame Furaha.
Le témoignage de Madame Furaha reflète la réalité vécue par de nombreuses femmes rurales congolaises. Les études montrent que les ménages où les responsabilités et les prises de décision sont partagées connaissent un mieux-être général, une meilleure nutrition et davantage d’opportunités éducatives pour les enfants. Toutefois, susciter de tels changements nécessite une approche holistique et culturellement adaptée, qui s’attaque aux inégalités de genre à la racine.
Faire un pas vers le changement
Face à ces défis, des organisations et institutions s’efforcent de faire progresser l’égalité de genre et d’autonomiser les femmes en renforçant leur pouvoir d’agir, leurs capacités de leadership et leur participation aux prises de décision. Dans l’est de la RDC, où la diversité ethnique croise des conflits persistants, plusieurs initiatives visent à réduire les inégalités, à élargir l’accès à l’éducation et à promouvoir un développement porté par les communautés elles-mêmes.
L’une de ces initiatives majeures est le projet Beans for Women Empowerment (B4WE). Fondé sur des approches fondées sur des données probantes en matière de pratiques de genre transformatrices, ce projet outille les communautés locales en leur fournissant les connaissances et moyens nécessaires pour remettre en question les normes profondément enracinées. En impliquant activement les femmes et les hommes, le projet s’attaque aux barrières économiques, sociales et culturelles qui entretiennent les inégalités de genre, contribuant ainsi à un changement durable.
Dans les zones rurales comme le nord d’Idjwi, les cas de violences psychologiques, physiques et économiques sont fréquents. Ancrées dans l’idée que les hommes doivent détenir une autorité absolue, ces violences perdurent. Les formations proposées par le projet B4WE adoptent une approche holistique : au-delà de la sensibilisation, elles offrent des outils concrets pour favoriser une communication plus saine, un soutien mutuel et une responsabilité partagée au sein des familles.

Un tournant
Madame Furaha et son mari ont découvert le projet B4WE à un moment où leur mariage semblait voué à un cycle destructeur. Ils ont participé à des ateliers portant sur l’implication des femmes dans la prise de décision, la masculinité positive et la gestion conjointe des budgets familiaux.
Au départ, Monsieur Bikoto était réticent. En tant qu’homme instruit, il se demandait pourquoi il devrait modifier son mode de vie. Toutefois, grâce aux discussions de groupe, aux jeux de rôle et au visionnage de vidéos mettant en scène d’autres hommes ayant changé leurs comportements, il a commencé à reconsidérer sa posture. Le couple a pris conscience des effets néfastes de l’abus d’alcool et de l’exclusion de Madame Furaha dans les décisions familiales, ainsi que de l’importance d’une planification conjointe.
« Après la formation, mon mari a changé de comportement. Il a considérablement réduit sa consommation d’alcool et a commencé à assumer certaines tâches domestiques. Aujourd’hui, il porte nos enfants, même lorsque je ne suis pas malade, et m’accompagne aux champs après les cours. Il a même aménagé de petits jardins potagers autour de la maison pour fournir des légumes frais à notre famille. » — Madame Furaha
Au-delà de ces changements dans les rôles familiaux, le projet a introduit des techniques agricoles innovantes, telles que l’utilisation de variétés de haricots biofortifiés et le respect des espacements pour améliorer les rendements. Animé par un esprit d’équipe renforcé, Monsieur Bikoto a adopté ces méthodes, augmentant significativement sa récolte. Forts de ce succès, ils ont franchi une étape décisive : gérer ensemble leurs revenus pour la première fois.
Cette nouvelle approche de gestion financière a transformé les opportunités de Madame Furaha, lui permettant de lancer une petite activité commerciale au marché de Sakiro. Les revenus issus de ce commerce contribuent à nourrir et scolariser leurs enfants tout en renforçant la stabilité du foyer. La littérature montre que lorsque les femmes accèdent à une autonomie économique, les bénéfices s’étendent à l’ensemble du ménage.

Un nouveau départ
Porté par leurs réussites, Monsieur Bikoto a franchi une étape symbolique : pour la première fois en dix ans de mariage, il a accompagné Madame Furaha lors d’une visite à sa famille. Bien plus qu’un simple déplacement, ce geste représentait un profond respect renouvelé à son égard. Il s’est également engagé à présenter officiellement une dot, acte marquant la reconnaissance de la valeur de Madame Furaha au sein de son réseau familial élargi.
« Aujourd’hui, nous sommes un couple heureux et exemplaire. Mon amour pour mon mari a grandi et j’éprouve de la fierté à son égard. Grâce au projet B4WE, nous prenons ensemble les décisions et vivons dans un foyer harmonieux. » — Madame Furaha
Leur parcours illustre la force de l’éducation et du soutien collectif pour déconstruire les inégalités profondément enracinées. Bien que des obstacles persistent — tels que la résistance au changement, l’insuffisance des financements ou les problèmes sécuritaires — l’approche du projet B4WE démontre que les normes locales peuvent être mobilisées comme leviers de transformation durable. L’implication des hommes comme alliés dans la quête de l’égalité est essentielle, et un véritable changement devient possible lorsque les individus prennent conscience de leur rôle dans cette dynamique.
Dans de nombreuses communautés, un changement amorcé au sein d’un seul foyer peut susciter des conversations plus larges : des voisin.e.s peuvent s’interroger sur de nouvelles techniques agricoles ou sur l’implication accrue d’un mari dans les tâches domestiques, ouvrant ainsi la voie à des échanges sur des modèles de partenariat plus équitables. Lorsqu’iels constatent les effets positifs, les leaders communautaires peuvent devenir à leur tour des vecteur.rice.s du changement, en promouvant et en diffusant les bonnes pratiques.
En définitive, le parcours de Madame Furaha illustre le potentiel transformateur d’interventions ciblées pour déconstruire les normes de genre néfastes. Par l’éducation, la prise de décision partagée et le respect mutuel, il est possible de briser le silence qui pèse depuis longtemps sur les femmes. Bien qu’il reste encore beaucoup à accomplir — en RDC comme ailleurs — des récits tels que le sien nous rappellent que chaque pas franchi en partenariat ouvre la voie vers un monde plus juste et équitable.
En investissant dans des projets de transformation sociale et de développement comme B4WE, les communautés commencent à remettre en question les croyances culturelles figées, à bâtir une confiance mutuelle, et à imaginer un avenir où chaque voix est entendue et valorisée. Dans les champs d’Idjwi, ce qui avait commencé comme un conflit entre deux personnes s’est mué en un exemple d’unité, de respect et de projet commun — une preuve que briser les barrières commence à la maison, une conversation et une action à la fois.
L'équipe

Jean Claude Rubyogo
Leader, Global Bean Program, and Director, Pan Africa Bean Research Alliance (PABRA)
Bola Amoke Awotide
Research Team Leader, Country Representative for the Democratic Republic of the Congo
Julie Ntamwinja Bimule
Senior Research AssociatePour plus d'informations, contactez : [email protected]
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