Blog Changer de perspectives : Mettre en pratique la vidéo participative au Rwanda

Changing perspectives: Putting Participatory Video into practice in Rwanda

La vidéo participative est une technique qui place des caméras entre les mains des agriculteur.rice.s. Les chercheur.e.s Melissa Bonilla, Maria Delfine, Charles Mwizerwa, Rhys Manners et Anna Muller expliquent comment cette approche peut fournir des perspectives pour une agriculture plus inclusive.

Par : Melissa Bonilla, Maria Delfine, Charles Mwizerwa, Rhys Manners et Anna Muller

À quoi ressemblent les paysages pittoresques du Rwanda pour les agriculteur.rice.s qui y cultivent du maïs, des haricots et des pommes de terre ? Sur quoi se concentrent-ils lorsqu'ils décident des cultures à planter ? Qu'est-ce qui compte le plus pour leurs familles ?

Pour mieux répondre à ces questions, nous avons entrepris un voyage enrichissant aux côtés de Maja Tillmann, cinéaste communautaire et experte en agroécologie spécialisée dans les processus de vidéo participative, avec une vaste expérience auprès des communautés autochtones en Chine, au Pérou, en Bolivie, en Équateur, au Panama et au Mexique. Cette expérience d'apprentissage intense nous a permis de nous immerger dans la réalisation de vidéos participatives et de l'appliquer sur le terrain avec des agriculteur.rice.s locaux qui mettaient en œuvre des essais Tricot (une forme de science citoyenne dans laquelle les agriculteur.rice.s comparent et rendent compte de différentes variétés de cultures dans leurs parcelles), en collaboration avec One Acre Fund, un partenaire du projet 1000 FARMS.

Qu'est-ce que la technique de vidéo participative ?

La vidéo participative est un outil de recherche qui permet aux participant.e.s de partager leurs perspectives tout en enregistrant des vidéos. Elle comprend une série d'activités visant à établir une communication bidirectionnelle entre le.la chercheur.e et le.la participant.e. Ainsi, les dynamiques de pouvoir sont modifiées : le.la chercheur.e est ouvert.e à l'apprentissage auprès des participant.e.s, et les vidéos deviennent un outil pour faciliter la conversation.

Le processus : l'autonomisation par le récit

Au sud-est de Kigali, des collègues de l'IITA, l'Alliance de Bioversity International et du CIAT, et du One Acre Fund, se sont réunis pour un atelier axé sur la maîtrise des techniques de vidéo participative via un processus Action-Réflexion-Action. Pendant cinq jours, les participant.e.s ont pratiqué des compétences de vidéo pratiques telles que le cadrage, le tournage et l'interview, en appliquant ces techniques auprès des agriculteur.rice.s dans des zones rurales.

Le travail de terrain a démontré la puissance de la vidéo participative pour capturer des histoires authentiques et donner aux participant.e.s un pouvoir d'expression. Des séances de réflexion quotidienne ont permis d'affiner les techniques et d'améliorer les compétences en montage vidéo. Le dernier jour, les participant.e.s ont réfléchi à leurs apprentissages et élaboré des plans d’action pour intégrer ces outils dans leurs projets futurs.

Les principes fondamentaux appris étaient : l'application pratique, l'autonomisation par la narration et la réflexion continue pour l'amélioration.

Les résultats : "Filmez juste comme ça"

Voici un exemple de vidéo participative filmée par l'agricultrice Twambazemariya Florid et son mari, discutant de sa culture préférée :

Le processus de vidéo participative offre des perspectives qui vont au-delà de la simple conversation en capturant des couches plus profondes de compréhension sur la manière dont les agriculteur.rice.s prennent leurs décisions. Par exemple, en filmant, nous avons découvert comment Florid et son mari travaillent ensemble comme une équipe solide pour gérer leurs cultures, partageant leurs connaissances non seulement entre eux, mais aussi avec d'autres membres de la famille. Cet échange d'informations au sein de leur communauté contribue à la santé de leurs cultures, illustrant leur collaboration. Florid a également partagé comment sa grand-mère lui a enseigné des techniques agricoles, et elle nous a montré la variété de bananes qu'elle cultive spécifiquement pour nourrir ses enfants. Ses choix de cultures sont manifestement influencés par l'objectif de fournir une alimentation équilibrée à sa famille, veillant à ce que ses enfants s'endorment le ventre plein. Cet aperçu montre comment la vidéo participative peut révéler le lien entre les pratiques agricoles et les décisions nutritionnelles dans ce cas, offrant des perspectives précieuses qui pourraient orienter les efforts de sélection et d'adaptation des cultures en mettant l'accent sur le bien-être familial comme moteur clé des choix agricoles.

Réflexions

L'atelier de vidéo participative a eu un impact profond sur notre équipe, soulignant l'importance des méthodes participatives dans la recherche. Nous avons pu constater de première main comment les vidéos participatives peuvent combler les lacunes de communication, favoriser une compréhension plus profonde et encourager des échanges de connaissances inclusifs et fluides, où chercheur.euse.s et participant.e.s apprennent les un.e.s des autres.

Lors de notre visite sur le terrain, nous avons vu comment les vidéos participatives offraient une plateforme aux agriculteur.rice.s pour exprimer leurs expériences et partager leurs histoires de manière puissante et engageante. Leurs vidéos nous ont offert une perspective unique, nous permettant de voir le monde à travers leurs yeux et de comprendre leur contexte au-delà d'un simple format de questions-réponses.

Nous avons quitté le Rwanda avec un engagement renouvelé à utiliser les vidéos participatives dans notre travail futur, inspiré.e.s par l'expertise précieuse de Maja Tillmann. Elle a non seulement créé un environnement accueillant qui nous a encouragé.e.s à nous exprimer librement, mais elle nous a aussi appris que la vidéo n'est pas seulement un outil d'enregistrement, mais un facilitateur pour ouvrir des conversations significatives.